Soutenabilité des opérations militaires : publication d’un article dans Defence and Peace Economics

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Josselin Droff et Julien Malizard, Chercheurs à la Chaire, publient dans la revue Defence and Peace Economics un article co-écrit avec Maxime Menuet, Chercheur associé à la Chaire.

L’article, intitulé « Military Operations Abroad in the Long Run: An Economic Approach », propose un modèle théorique analysant la soutenabilité des opérations militaires dans le temps.

Au cours des dernières décennies, plusieurs pays occidentaux se sont engagés dans des opérations militaires à l’étranger, avec parfois des engagements militaires excessifs comme la lutte contre les organisations terroristes, les opérations de maintien de la paix ou les interventions humanitaires. Ces postures font peser un risque élevé sur les capacités de déploiement futures et sur la capacité à assurer une stratégie de dissuasion à long terme.

L’article propose un modèle théorique dans lequel la capacité militaire est analysée comme une variable de stock qui peut se régénérer ou au contraire s’épuiser lorsqu’un pays s’engage dans une opération militaire à l’étranger. Les auteurs y présentent un « théorème de soutenabilité » avec l’identification de points de basculement dans la conduite des opérations militaires. En particulier, s’engager dans des opérations militaires de façon excessive peut conduire à une forme de syndrome de démilitarisation.

Le modèle décrit et formalise un arbitrage fondamental entre les conditions économiques et les ambitions stratégiques d’un pays. Il apporte un éclairage sur la dynamique des capacités militaires de grandes puissances militaires occidentales comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France.

Plusieurs pistes pour lutter contre la perte de capacités militaires sont évoquées par les auteurs :

  • La première est celle qui consiste à améliorer le rendement des facteurs de production, pour qu’à budget constant et quantité d’inputs inchangée, la production augmente. Cette solution semble difficilement envisageable à court terme, dans la mesure où elle impliquerait une plus grande pression sur les hommes et les matériels qui sont déjà extrêmement sollicités, à la fois en opération extérieures mais aussi pour d’autres missions (mesures de réassurance, préparation à des conflits de haute intensité, missions de services public en cas de catastrophe naturelle ou d’épidémie comme par exemple le Covid 19, …). Cependant, les réformes entreprises ces dernières années pour accroître l’efficacité productive de la maintenance des matériels vont dans le sens d’une amélioration de la productivité des facteurs.
  • La deuxième solution est celle de renoncer à une partie des ambitions stratégiques, une nouvelle fois à moyens constants. Ce serait évidemment une décision politique forte, relativement similaire à celle choisie par les Anglais lors de la rédaction de leur Strategic Defence and Security Review en 2010, à la suite de leur sur-engagement en Afghanistan et en Irak.
  • Enfin, la dernière solution consiste à laisser inchangées les ambitions stratégiques et à augmenter les moyens financiers alloués à la Défense afin de faire face aux dépassements des contrats opérationnels. Les tendances budgétaires en Europe vont notamment dans ce sens.

Cet article est en lien avec d’autres travaux conduits par la Chaire.

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