DÉTERMINANTS ET IMPACTS DE LA DÉPENSE DE DÉFENSE
Opinion publique et déterminants de la dépense de défense en France
Les facteurs économiques jouent un rôle crucial dans l’explication des dépenses militaires françaises. La sensibilité aux facteurs stratégiques (mesurés par l’appartenance à une alliance ou les conflits dans le monde) est également à souligner, même s’ils sont d’une moindre mesure. Nous montrons en outre que les dépenses d’équipement ont une sensibilité plus grande aux contraintes budgétaires que les dépenses de fonctionnement.
La DICoD publie des sondages d’opinion sur la défense. Sur cette base, il est possible d’évaluer la disposition à payer des français pour la défense et d’en expliciter ses déterminants. Il apparaît que les facteurs économiques et stratégiques sont cruciaux.
Par ailleurs, il est possible d’analyser la représentation sociale de la défense et sa relation avec les allocations budgétaires des activités de défense (e.g. opérations extérieures) notamment chez les étudiants. Des résultats obtenus sur une population d’étudiants montrent que la représentation sociale de la défense se structure autour des notions : « d’armée », de « protection » et de « sécurité ». Ces notions font directement référence à la finalité des armées (cf. Ordonnance n°59-147, janv. 1959). De plus, dans le cadre d’une éventuelle augmentation du budget de la défense, les étudiants favoriseraient, en priorité, le poste budgétaire concernant l’innovation de défense (ayant des retombées civiles) à défaut de celui des opérations extérieures et de la dissuasion nucléaire (qui sont, pourtant, au centre de la stratégie de défense de la France selon le Livre blanc de 2013 et la Revue stratégique de 2017).
Impact économique de la dépense de défense
À partir d’une étude des effets des dépenses militaires sur l’investissement privé en France, pour la période allant de 1980 à 2010, nous montrons que les dépenses militaires évincent l’investissement privé, un résultat communément accepté dans la littérature. Cependant en désagrégeant la dépense de défense (fonctionnement et investissement), il apparaît que les dépenses de fonctionnement évincent l’investissement privé mais les dépenses d’équipement le favorisent.
En conséquence, il y a une forme de complémentarité entre investissement privé et dépenses d’équipement de défense.
En analysant l’impact de la dépense de défense sur l’activité économique générale (PIB), il apparaît également que les dépenses d’équipement de défense ont un effet positif sur le PIB alors que les dépenses de fonctionnement n’ont pas d’impact significatif de sorte que les dépenses d’équipement sont le vecteur principal d’explication de retombées macroéconomiques positives. Une autre explication tient dans le caractère central de la R&D de défense dans le processus d’innovation et dans les performances des entreprises de défense. Le SIPRI a lancé un travail méthodologique sur ses données relatives aux dépenses de défense. Elles ont servi à une analyse sur les pays de l’UE pour lesquels nous montrons que les effets sont différents en fonction de leur capacité à produire ou non des matériels militaires. Une synthèse des principaux résultats de la littérature montre, que pour de nombreux pays, l’impact économique est positif.
Enfin, des travaux sur l’impact local des dépenses de défense ont été menés, notamment sur l’impact de la réorganisation géographique des Armées à partir de la fin des années 2000. Ces réorganisations n’ont pas été sans conséquences pour les territoires qui les subissaient, de sorte que le ministère des Armées a accompagné financièrement les zones les plus fragiles. Contrairement à ce que mettait en avant une étude de la Cour des comptes sur le sujet, les résultats suggèrent une forme de cohérence dans l’attribution de la dépense publique à l’échelle départementale. En outre, les industries de défense ont également contribué à compenser les pertes d’emploi liés à la réorganisation des armées, notamment dans certains territoires particulièrement fragilisés sur le plan socio-économique.
Mesures des impacts économiques et méthode
Dans le contexte actuel, d’endettement public important, de contrainte budgétaire et de recherche d’efficacité de la dépense publique, aggravé encore davantage par la crise sanitaire, les études concernant l’impact économique de différentes activités ou projets se multiplient. Ce sujet touche tous les types de dépense (industrie automobile, culture, environnement, défense…) et l’ensemble des pays occidentaux.
Pour cette raison, la Chaire a fait un bilan des méthodes disponibles pour mesurer l’impact économique de la défense, en présentant à chaque fois les avantages et limites de ces méthodes (impact à court terme avec modèles Input Output, impact utilisant des données par branches ou par secteurs, impact mobilisant des données individuelles sur les entreprises ou impact à long terme).
Exportations d’armements
Dans le cadre de la conférence annuelle de la Chaire et de la première newsletter, nous avons analysé le rôle des facteurs économiques dans la position française concernant les exportations d’armement.
La croissance récente des exportations s’explique, en effet, par des facteurs politiques et stratégiques mais aussi économiques, les trois facteurs étant interdépendants. La BITD est considérée comme stratégique et structurante pour l’économie française. Les entreprises de défense représentent une part importante de l’investissement public, de la recherche ou des exportations.
Elles emploient un nombre conséquent de personnels qualifiés et affichent de bonnes performances en termes de valeur ajoutée et d’exportation. Les exportations permettent de desserrer certaines contraintes économiques (augmentation de coûts, baisse de la demande nationale sur longue période, baisse des financements directs à la R&D défense…) et d’assurer ainsi à la fois l’autonomie stratégique et budgétaire. Plus globalement, les exportations sont un enjeu d’importance pour les pays qui possèdent une BITD.
D’autres travaux ont consisté à évaluer les récentes performances d’exportations d’armes par rapport aux exportations passées. Il apparaît que la situation observée depuis 2012 n’est pas particulièrement exceptionnelle.
Une autre analyse consiste à évaluer le rôle des exportations d’armes sur la stabilité des pays clients de la France. L’hypothèse est que la stabilité peut être mesurée par l’intensité des conflits civils. Les résultats suggèrent que les exportations françaises n’ont pas d’influence déstabilisatrice sur l’intensité des conflits au contraire des exportations d’armes d’autres pays. Deux analyses complémentaires permettent d’expliquer ce résultat : la sélection des clients par la France est sérieuse et les armes exportées apparaissent comme plutôt défensives.